Meilleur ailier gauche de la Coupe d’Afrique des Nations Asmara 1968, la légende vivante du football sénégalais Yatma Diop (80 ans), s’apprête à aller suivre la grande fête du football continental, de Côte d’Ivoire, du 13 janvier au 11 février 2024. Pour cette 34ème édition, il estime que le Sénégal est favori pour sa propre succession, mais qu’il faudrait faire très attention aux pays maghrébins en général. Même s’il sait que des sélections comme le Cameroun ou encore la Côte d’Ivoire, peuvent également faire très mal.
Entretien
Le Sénégal ira en Côte d’Ivoire dans quelques jours pour la défense de son titre. Comment voyez-vous les chances des Lions ?
Les chances des Lions, c’est qu’ils soient tous des garçons qui évoluent dans le haut niveau en Europe et ailleurs dans le monde. Donc, ils peuvent faire un très bon résultat. Mais, tout dépend de leur engagement. Ils sont en tout cas très bien armés et prêts à défendre leur titre de champion d’Afrique.
Le Sénégal partage le groupe le plus relevé de cette compétition, en compagnie des voisins de la Guinée et de la Gambie, mais aussi du Cameroun. Avez-vous un favori ?
C’est vrai, la Gambie et la Guinée sont très proches de nous, donc on ne connaît dans l’histoire du football. Mais, il est évident que le niveau des joueurs du Sénégal, n’est pas le même que pour ces deux pays voisins. En revanche, du point de vue fighting spirit probablement, ils peuvent se mesurer à nous. Mais, nous n’allons pas faire cette erreur. Éviter les pièges, ne pas se faire descendre n’importe quand et n’importe comment. Ne pas répondre à tous les coups, mais faire preuve de personnalité, de solidarité et je pense que si on règle ces problèmes psychologiques, ça passera tranquillement.
Quels sont vos favoris pour le titre ?
Il y a d’abord le Sénégal, le champion en titre. Il y a aussi le Maroc, qui a fait une coupe du monde extraordinaire. Mais, il y a également l’Algérie, la Côte d’Ivoire, qui joue chez elles. Je crois qu’il faut faire très attention aux pays maghrébins en général. Les pays de l’Afrique francophone comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun peuvent jouer un grand rôle.
Quel souvenir gardez-vous de vos différentes participations à la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations ?
J’ai participé à une seule Coupe d’Afrique des nations et c’était Asmara 1968. J’ai été désigné meilleur ailier gauche africain, alors que j’étais droitier. Je n’étais pas le seul sénégalais nommé dans l’équipe-type du tournoi. Il y avait aussi Louis Gomis. Il jouait milieu droit, mais c’était mon principal partenaire dans le jeu. Beaucoup de buts que je marquais à l’époque venaient de ce Louis Gomis. C’était mon ami, on s’entraînait tous les jours très tôt le matin.
On se voyait tout le temps, on se parlait beaucoup. On se connaissait très bien. Louis Gomis avait compris, que depuis le flanc gauche, j’attendais toujours les passes qui venaient de lui et ça nous a beaucoup réussi et cela a fait de moi un ailier gauche, sans être gaucher.
Sadio Mané disputera certainement sa dernière CAN, à l’image également de Kalidou Koulibaly, Cheikhou Kouyaté, Gana Gueye… Quel est votre message à leurs endroits ?
Vous anticipez çà ! S’ils font un très bonne CAN en Côte d’Ivoire, ils pourront continuer avec la sélection. La Coupe d’Afrique des nations, ce n’est pas tous les quatre ans, c’est tous les deux ans. Donc, s’ils font une bonne participation à cette édition en Côte d’Ivoire, rien ne les empêchera de demander à jouer à une prochaine CAN, s’ils n’ont pas 40 ans. Gana, Kouyaté, Koulibaly, Sadio.., pourquoi les envoyés à la retraite ?
Yatma Diop, est le premier footballeur professionnel Sénégalais qui a évolué en France ?
Je suis plutôt le premier Sénégalais venue d’Europe pour jouer avec l’Équipe nationale. Donc, j’étais le seul expatrié de la CAN d’Asmara 68…Cette convocation a été demandée à l’État par le Directeur technique Lamine Diack, assisté des entraîneurs Mawade Wade et Joe Diop… J’avais refusé tous les contrats proposés par les clubs français à l’époque, comme Marseille, Lyon et surtout Lille. J’avais opté pour les études de l’informatique.
Pouvez-vous nous raconter un peu des derbys Sénégal – Guinée ou entre Sénégal – Gambie, qui vous ont marqué ?
Pour les derbys, c’était surtout Sénégal / Guinée ou Sénégal / Mali. On avait tellement joué l’un contre l’autre, qu’on était devenus des amis. Après les Gambiens sont arrivés. Les Gambiens sont aussi devenus nos amis, quand le Président Ahmed Sékou Touré, avait demandé à la CAF de faire jouer le match d’appui Sénégal / Sénégal à Dakar.
La Guinée avait battu le Sénégal 3-0 à l’aller à Conakry. C’est à cause de çà que j’ai d’ailleurs été appelé en Équipe nationale. J’étais là pour le match retour. C’est un autre qui avait joué à la place qui m’était réservé, c’était El Hadj Sarr de Gorée. On avait gagné 4-1 à Dakar et il fallait un match d’appui, puisque les deux équipes étaient à égalité. La CAF avait programmé ce match en Gambie, mais Sékou Touré dit qu' »il ne va pas en Gambie ».
Qu’est-ce qui s’est alors passé par la suite ?
Les Sénégalais étaient surpris de cette prise de position. Comme tout Africain, ils pensaient que Sékou Touré avait quelque chose de magique, en demandant aux Sénégalais de jouer ce match d’appui chez eux. Il y a eu beaucoup de bruit au Sénégal et finalement, les gens ont accepté de jouer. C’est ce match que j’ai joué, surtout pour empêcher le flanc droit de la Guinée, qui était terrible. Un expatrié qui évoluait en Allemagne, à côté il y avait toutes les stars de la Guinée, qui étaient des joueurs très forts. Dans le système, j’avais un rôle défensif quand mon équipe n’avait pas le ballon. Donc, j’ai carrément verrouillé tout le flanc droit guinéen, en tant qu’attaquant.
Chaque fois que le Sénégal perdait le ballon, je me mettais derrière l’arrière gauche Petit Gueye, pour empêcher Ndongo qui venait d’Allemagne, et plus de Petit Sory et les autres. Donc, en matière de derbys s’étaient surtout la Guinée et le Mali. J’étais devenu ami aussi avec Salif Keita « Domingo ». Chaque fois qu’il venait au Sénégal, il venait me voir.
Beaucoup de clubs européens critiquent ouvertement les périodes de CAN, parce qu’ils perdent très souvent leurs meilleurs éléments. Pensez-vous qu’ils ont raison quelque part ?
C’est ça le football, ils ne peuvent pas dire aux joueurs de pas y aller. S’ils le font, ils sont suspendus. Il y a des joueurs qui faisaient semblant d’être malade. Tout ça c’est terminé, parce que la Coupe d’Afrique des nations à aujourd’hui un tel engouement dans le monde en général. Toutes les télévisions du monde passent les matchs et ce sont des grands joueurs qui y participent.
Le Sénégal est exclusivement composé des joueurs de grands clubs européens et même Saoudiens. Ils n’ont qu’à se débrouiller sans eux. S’ils se sont arrangés pour faire la Coupe du monde des nations en novembre, qu’ils laissent aussi les Africains faire leurs compétitions. Les joueurs qui refusent de venir, ne seront plus appelés.
Aujourd’hui, la CAF a eu l’intelligence de mener un combat contre l’Europe, pour la libération de nos footballeurs. Les données ont changé avec le nouveau président sud-africain Patrice Motsepe.